Paul et les autres

La cinquantaine passée, Rémi Mauger, journaliste à France 3 Normandie, se prend de la nécessité d’écrire sur les personnages qui ont marqué son enfance dans le village d’Herqueville. Je l’accompagne. Pendant qu’il écrit ses souvenirs et les portraits de ses figures tutélaires je les photographie et je mémorise leurs paroles. Ce qu’ils sont devenus, pour ou contre l'usine nucléaire, plantée là comme l’éminent symbole du monde moderne, adeptes ou non du productivisme agricole imposé par l’Europe, anciens ou modernes, intensifs ou extensifs, avec ou sans enfants, sur ce bout du monde, face à la mer et sous le vent. Rémi écrit du dedans, c’est l'enfant du pays. Je recueille des paroles et je photographie du dehors, je ne suis pas d’ici, je suis « horsain ».

"Les gens gagnent à être connus, disait Jean Paulhan. Ils gagnent en mystère." A l'écart des enquêtes ethnographiques ou socio-économiques, les auteurs privilégient une approche sensible et même poétique de ces hommes et de ces femmes agrippés à un coin de terre sans autre équivalent en France, écartelés entre archaïsme et modernité, s'ingéniant avec une rare ténacité à rester maîtres de leur destin alors que tout le mouvement de la société conduit à le formater implacablement. Bien loin de chercher à catégoriser, Rémi Mauger et Philippe Truquin nous donnent à voir l'étonnante diversité des êtres, et, ennemis des simplifications, ils laissent à chacun cette part de mystère dont parlait Paulhan.

Extrait de la préface par Gilles Perrault
du livre Paul et les autres, Ed. Isoète 2008.